
Écrire les sciences islamiques en Afrique de l’Ouest à l’époque moderne : Approches pluridisciplinaires des manuscrits de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire
décembre 15 @ 9h00 - décembre 18 @ 18h30
ATELIER DE FORMATION
Approches pluridisciplinaires des manuscrits de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN Ch. Anta Diop – UCAD )
Date : lundi 15 décembre au jeudi 18 2025 | Programme |
Lieu : IFAN Ch.Diop -Corniche Ouest – Université Cheik Anta Diop
Résumé : Cet atelier de formation (post)doctoral s’inscrit dans un programme de recherches entamé en octobre 2023 et lauréat du programme d’excellence de l’IFI en 2024. Intitulé « Penser l’islam depuis le Sénégal, la France et le Maroc. Approches comparatistes et pluridisciplinaires », ce programme de recherches vise à mieux cerner les expériences musulmanes : 1) telles qu’elles sont mises en actes dans les contextes français, marocains et sénégalais ; et 2) telles qu’elles y sont questionnées puis analysées par les chercheurs de différentes disciplines, et ce, aussi bien par le passé qu’aujourd’hui. À cette fin, quelles langues, quelles références bibliographiques, quels outils méthodologiques et enfin quelles démarches épistémologiques ces diverses provenances disciplinaires et géographiques mobilisent-elles ? Quels ont été les grands thèmes placés au coeur des études islamiques ou spécialisées sur l’islam en France, au Maroc et au Sénégal et quel est aujourd’hui l’état des lieux des débats et enjeux dans ces pays ? Voici les principales questions adressées par ce programme de recherches qui s’inscrit à la croisée des études islamiques « classiques » – principalement ancrées dans les démarches doctrinales, juridiques, philologiques et mystiques – et des recherches en sciences humaines et sociales spécialisées sur les corpus et le fait musulmans.
Cet atelier de formation a pour objectif l’étude et la valorisation des collections de manuscrits de l’IFAN (Institut Fondamental d’Afrique Noire). Dès sa création en 1966, l’IFAN inscrit dans ses missions « d’effectuer, de susciter et de promouvoir des travaux scientifiques se rapportant à l’Afrique noire ; d’assurer la publication et la diffusion des études et des travaux d’ordre scientifique se rapportant à sa mission ». Dans le cadre de ces prérogatives, l’IFAN est un centre important de conservation de manuscrits du Sénégal et d’Afrique de l’Ouest en arabe et ajami. Peu connu, cet atelier vise à le présenter, à le valoriser et à le diffuser afin de mieux cerner l’apport de ces textes à l’histoire intellectuelle du Sénégal et la manière dont l’islam a toujours été une ressource pour la pensée religieuse et plus globalement pour le savoir en Afrique de l’Ouest.
En 1993 paraissait le premier numéro de la série de publications consacrées à l’étude de la littérature arabe en Afrique « Arabic Literature of Africa ». Ce numéro, coordonné par John Hunwick et Rex Seán O’Fayeh , visait à recenser les manuscrits islamiques rédigés par des musulmans en Afrique Saharienne et Subsaharienne. Depuis, cinq autres numéros ont paru, le dernier datant de 2015 et consacré à la Mauritanie et à l’Ouest du Sahara. Bien avant le projet de Hunwick et O’Fayeh, Amar Samb initiait le vaste chantier d’études sur, ce qu’il appelait, la littérature sénégalaise d’expression arabe » en se basant exclusivement sur des manuscrits dont la majorité est conservée au Laboratoire d’islamologie de l’IFAN.
D’autres travaux sur les manuscrits ont complété cette orientation littéralisante. Sur le plan historique, l’exploitation d’anciens manuscrits arabes, par Mauro Nobili, a permis de démontrer que le fameux Tārīkh al-Fattāsh attribué à Maḥmūd al-Kaʿtī (m.1593) par Maurice Delafosse et Octave Houdas est en réalité une oeuvre du XIXe siècle, produite par Nūḥ al-Ṭāhir (m.1858) visant à défendre le califat de Hamdallah6. Cette révélation invite à relativiser une bonne partie de l’histoire de l’Afrique de l’Ouest musulmane telle qu’elle était transmise par la première génération d’africanistes.
Ce qui est vrai pour un manuscrit arabe comme Tārīkh al-Fattāsh l’est aussi pour les manuscrits en ʿAjamī,
écrits dans les langues africaines avec l’alphabet dérivé de l’arabe. C’est ainsi que l’histoire du Mouridisme et de Cheikh Ahmadou Bamba a trouvé une autre dimension dans Muslims beyond the Arab World de Fallou
Ngom qui, par l’exploitation de manuscrits ʿAjamī, nous apprend beaucoup plus sur le Mouridisme tel que vécu par les premiers fidèles d’Ahmadou Bamba. Cette version vient donc compléter (confronter ?) celle des archives coloniales. Les manuscrits en ʿAjamī ont aussi permis de mettre en valeur la contribution d’auteurs subsahariens à l’érudition islamique, y compris sur une discipline aussi complexe que le tafsīr.
C’est justement dans ce cadre de « réécriture » de l’histoire musulmane Ouest africaine que l’exploitation des
manuscrits islamiques a été une donne fondamentale des Timbuktu Studies consacrées à l’historicisation de
l’érudition islamique en Afrique de l’Ouest. En mettant en évidence la circulation des hommes, mais aussi des manuscrits et des livres entre les deux rives du Sahara, la recherche a permis de montrer que l’influence religieuse n’est pas uniquement exercée par des auteurs du Nord sur ceux du Sud du Sahara. Il s’agit davantage d’une « circulation circulaire des savoirs » musulmans. Cela invite à relativiser le découpage d’Afrique en Afrique du Nord, rattachée à l’aire géographique du Proche et du Moyen Orient, et en Afrique subsaharienne, qui serait à la périphérie du monde musulman.
L’étude des manuscrits islamiques en Afrique questionne enfin la transmission des savoirs religieux, du
Coran notamment et de son interprétation dans les langues africaines. Elle met aussi en lumière la transmission des savoirs d’écriture et de calligraphie ainsi que les différents arts de reluire et d’enluminure.
L’atelier de formation (post) doctorale réunit une vingtaine de (post) doctorants et chercheurs d’universités
sénégalaise, marocaine et française impliqués dans le programme depuis ses débuts. Pendant quatre jours, il invite les participants à réfléchir sur les manières dont une série de manuscrits sélectionnés peuvent être
exploités dans leurs recherches. Des ateliers pratiques encadrés par des spécialistes du champ (codicologues,
historiens, islamologues, anthropologues) se dérouleront chaque après-midi au sein de la bibliothèque où
sont conservés des manuscrits de l’IFAN. En matinée l’atelier s’organise autour de communications par des
chercheurs sénégalais, français et marocains sur 1) l’histoire et la conservation des manuscrits, 2) l’analyse
historique, philologique et linguistique, 3) la transmission des savoirs musulmans en Afrique et ses enjeux
actuels ; 4) comment les manuscrits de l’IFAN ont été exploités par les chercheurs académiques et dans
quelles perspectives historiographiques et thématiques / bilan de l’usage des manuscrits africains dans la recherche académique.
Comité scientifique et d’organisation :
Anouk Cohen (CJB/CNRS), Seydi Diamil Niane (IFAN/UCAD), Youssouf Sangaré (Inalco)




