Présentation de la séance
Dans son dernier livre, Recordando a las tatas. Mujeres domésticas y esclavitud en Tetuán (siglos XIX-XX), Josep Lluís Mateo Dieste s’intéresse à un phénomène en grande partie inconnu, la fin de l’esclavage au Maroc durant la période coloniale, pour démêler les racines contemporaines de la servilité et des stéréotypes autour de la race noire dans le monde arabe. Au contraire d’autres analyses généralistes, cette enquête met en lumière les relations serviles à partir d’un cas d’étude situé à Tétouan. Jusque tard au XXe siècle, des femmes sont achetées en ville pour alimenter le marché du travail domestique et offrir aux classes aisées une marque de distinction sociale. Ce cas paradigmatique permet de reconstruire les relations entre maîtres et domestiques d’origine servile, d’après leurs dimensions économiques, familiales et symboliques, tout en mettant noms et visages sur ces acteurs subalternes menacés d’oubli.
Cette ethnographie historique se fonde sur la triangulation originale de sources orales, visuelles et écrites, marocaines et espagnoles, et une méthodologie transdisciplinaire. En s’intéressant à la mémoire collective, ce livre discute la notion même d’esclavage à travers les relations entremêlées entre présent et passé, l’histoire orale des descendants, et l’analyse de la documentation engendrée par les transactions commerciales et la traite des êtres humains. Il en naît un récit tissé des origines et de la vie de ces femmes, qui met en relief les formes d’interdépendance physique et symbolique dans les relations de domination extrême.
Présentation de l’intervenant
Josep Lluís Mateo Dieste est docteur en histoire (Institut Universitaire Européen, Florence) et professeur Serra Húnter au département d’anthropologie sociale et culturelle de l’Universitat Autònoma de Barcelona. Spécialiste de l’anthropologie et l’histoire de l’Afrique du Nord et des relations entre le Maroc et l’Espagne à l’époque contemporaine, il a mené des recherches en archives et sur le terrain ethnographique, suivant une méthode d’anthropologie historique. Ses recherches portent sur la construction des stéréotypes, le protectorat espagnol au Maroc, les transformations du champ religieux marocain, les relations mixtes, les conceptions du corps et de la maladie et l’esclavage au Maghreb.
Il a notamment publié In Praise of Historical Anthropology (avec Alexandre Coello, Routledge, 2020) ; A mi querido Abdelaziz…de tu Conchita. Cartas entre españolas y marroquíes en el Marruecos colonial (avec Nieves Muriel, Icaria, 2020) ; Moros vienen. Historia y política de un estereotipo (Melilla, 2017) ; Health and Ritual in Morocco (Brill, 2013). Il est coéditeur d’ouvrages collectifs tels que Un siglo de movilización social en Marruecos (Bellaterra, 2019) et Humanidad. Naturaleza o condición (Bellaterra, 2018).
Séminaire organisé par:
Catherine Mayeur-Jaouen (Sorbonne Université) et Antoine Perrier (CNRS).
Date: Le 25 février
Lieu: CJB- Hybride