
Séminaire « L’histoire du livre du Maghreb à l’Afrique de l’Ouest » : The book as an object of study : Séance 10
décembre 5 @ 15h30 - 17h30
The book as an object of study : a case study from Timbuktu
Intervenant : Shamil Jeppie, historien, membre de l’Académie du Royaume du Maroc
Date et lieu : Vendredi 5 décembre 2025 à partir de 15h30 | Affiche |
Résumé d’intervention : Ce séminaire s’intéressera aux manuscrits du Coran écrits en écriture coufique sur parchemin, actuellement conservés dans les bibliothèques marocaines. Plutôt que de nous attarder sur les questions relatives à leur origine – un sujet certes essentiel, mais qui s’inscrit bien en amont de la chronologie considérée par ce programme scientifique – nous privilégierons l’exploration des modalités de leur transmission à travers les siècles. La survie de ces témoins remarquables pose plusieurs questions fondamentales : quels lieux ont assuré leur préservation ? Quels acteurs, qu’il s’agisse de particuliers ou d’institutions, ont joué un rôle dans leur sauvegarde ? Enfin, quelles stratégies, qu’elles soient liées à la conservation, à l’usage ou même à la restauration, ont permis de préserver leur intégrité ou, au contraire, ont contribué à leur altération ?
Un examen attentif des caractéristiques matérielles de ces manuscrits fournit des indices essentiels sur les conditions de leur conservation à différentes périodes, notamment durant le Moyen Âge. Toutefois, le séminaire se concentrera plus particulièrement sur les dynamiques propres aux XXe et XXIe siècles. Cette période marque un tournant, où les manuscrits en écriture coufique suscitent un intérêt croissant, tant dans le contexte intellectuel marocain qu’à une échelle internationale.
À l’aube du Protectorat français, l’étude des collections permet d’évaluer l’état du corpus, les pratiques de transmission, ainsi que l’intérêt scientifique dont il faisait déjà l’objet. Le XXe siècle voit cet intérêt évoluer, passant d’un cercle érudit à une reconnaissance plus large. Les manuscrits en écriture coufique acquièrent une place de plus en plus importante dans les collections muséales et privées, souvent comme objets d’art islamique, parfois au détriment de leur contexte d’origine. Cependant, cette diffusion s’accompagne d’une fragmentation des manuscrits, souvent volontaire, et d’une anonymisation destinée à faciliter leur intégration dans des collections éloignées de leur environnement initial.
Aujourd’hui, les outils paléographiques et codicologiques permettent de reconstituer ces fragments dispersés et d’identifier les stratégies de transformation et de maquillage qui ont contribué à leur dépossession. Ce travail de reconstruction éclaire non seulement les mécanismes à l’oeuvre dans la constitution des collections modernes, mais aussi les moyens de redonner à ces manuscrits leur place dans l’histoire patrimoniale marocaine. Ce séminaire ambitionne ainsi de contribuer à une meilleure compréhension de la trajectoire de ces témoins vénérables et à une valorisation renouvelée de leur héritage au sein des études islamiques.




