Comité d’organisation
Walter Bruyère-Ostells (SHD/Sciences Po Aix/Mesopolhis), Karima Dirèche (CNRS-TELEMMe) ; Aurélia Dusserre (AMU-IREMAM) ; Arnaud-Dominique Houte (Sorbonne Université – CRH19) ; Mathieu Marly (Université de Lille – IRHIS).
Présentation générale
Le centenaire de la bataille d’Anoual (1921) est l’occasion de repenser dans son ensemble la guerre du Rif, qui a mis aux prises les forces armées rifaines, françaises et espagnoles. Objet à la fois singulier, par sa nature et le terrain sur lequel elle se déroule, la guerre du Rif doit se lire de multiples façons, en confrontant les historiographies nationales et en décloisonnant des champs historiographiques particulièrement renouvelés ces dernières années. Le colloque sera très attentif à mettre en relation des archivistes et des chercheurs venus des trois pays concernés par l’événement (France, Espagne, Maroc), et travaillant dans des domaines différents (histoire militaire, histoire coloniale, histoire politique, histoire des relations internationales, liens entre histoire et mémoire, mais aussi anthropologie ou histoire de la santé…), rarement réunis lors de manifestations scientifiques.
Le colloque se déroulera du 17 au 19 novembre 2021, sur le site de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (MMSH) et de Sciences-Po Aix, à Aix-en-Provence.
Les propositions de communication (en français ou en anglais) sont à renvoyer avant le 30 avril 2021 à l’adresse suivante : colloquerif2021@gmail.com
Elles devront comporter un titre, un résumé de la proposition ainsi que les sources envisagées (une page maximum). Le comité scientifique se réunira au début du mois de juin 2021 et donnera sa réponse dans les jours suivants.
Argumentaire
En 1921, un corps d’armée espagnol est anéanti à Anoual, près de Mellila (Maroc), par les troupes coalisées venues des montagnes rifaines. Cette défaite, l’un des plus grands désastres militaires subis par une armée coloniale, est considérée comme le début de la guerre du Rif, succession de conflits armés qui opposent les forces coloniales de l’Espagne (entre 1921 et 1926) puis de la France (entre 1925 et 1926) aux forces armées rifaines.
Cent ans après cette bataille, ce colloque exploratoire entend réunir une équipe internationale de chercheurs afin d’établir l’état des sources et de l’art sur la guerre du Rif, de proposer de nouvelles analyses et de lancer une dynamique de recherche autour des questions posées par l’événement.
L’ambition de ce colloque exploratoire est donc de renouveler les approches historiques et de susciter un certain nombre de propositions de recherche. Considérée à l’échelle internationale comme la première guerre de décolonisation, la guerre du Rif apparaît, à l’échelle du Maroc en guerre, comme un conflit colonial dont le colloque entend interroger la définition en s’appuyant sur les derniers renouvellements historiographiques. La guerre du Rif montre également une forte interconnexion entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée, par l’existence d’intenses circulations, qui modifient en profondeur les sociétés concernées : en décloisonnant l’événement, il s’agit de relire l’histoire de l’entre-deux guerres dans ces espaces selon une perspective d’histoire connectée, attentive à la diversité des sources. Il s’agira enfin d’interroger la construction des historiographies nationales et de réfléchir aux prolongements mémoriels de l’événement, souvent occultés dans les sociétés contemporaines.
Le programme entend mettre en valeur l’originalité de l’approche choisie, ainsi que les multiples dimensions et enjeux de la guerre du Rif, en privilégiant notamment la diversité des échelles d’analyse, l’importance des circulations et des connexions entre les deux rives de la Méditerranée, et la confrontation d’analyses de chercheurs venus d’horizons divers, tant par leurs origines que par leurs spécialités et terrains de recherche. Il sera précédé d’une table-ronde composée d’archivistes afin de faire le point sur la documentation disponible.
La vocation exploratoire du colloque est ici réaffirmée : il s’agit de lancer des pistes de recherche et de mettre en place un réseau international de chercheurs, dans l’objectif de poser les bases d’une collaboration future lors de projets à court terme (publication d’ouvrage, édition d’archives).
Les propositions devront prioritairement s’inscrire dans un ou plusieurs axes de réflexion suivants :
Axe 1 : la guerre du Rif, une guerre coloniale ?
– Diversifier les lectures du conflit au-delà de la dichotomie pacification/résistance
Les guerres coloniales se distinguent par un certain nombre de caractéristiques spécifiques. Cependant, les récits de la « pacification » comme ceux de la « résistance » aux armées coloniales tendent à homogénéiser les acteurs en présence. C’est particulièrement le cas lors de la guerre du Rif où les affrontements ne se résument pas à l’opposition armée coloniale/populations « indigènes » et mettent en scène une plus grande diversité de protagonistes et de logiques d’affrontements. En dépassant les récits convenus de la « conquête », de la « résistance », l’objectif de ce colloque est d’ouvrir les lectures possibles d’un conflit colonial en intégrant la diversité des acteurs du conflit.
– Nouvelles pistes sur la violence des guerres coloniales
La violence de cette guerre a été largement occultée, autant par le pouvoir colonial que par la mémoire nationale au Maroc. Les effets d’un usage intensif de l’artillerie de montagne et du bombardement aérien sont tus et rarement documentés par les archives militaires coloniales alors même que la terreur des bombardements est récurrente dans la littérature orale des populations berbérophones dans le Rif.
La guerre du Rif se distingue par un investissement opérationnel rarement égalé dans un conflit colonial, que ce soit par les effectifs rifains mobilisés et l’emploi massif de l’artillerie dans les trois armées espagnoles, françaises et rifaines. Coexistent également durant le confit des formes très diverses de violences sur les corps sur lesquels le colloque entend s’interroger : des bombardements aériens massifs aux armes chimiques en passant par la mutilation des corps, notamment dans les mises en scènes des cadavres photographiées, européens ou rifains.
Axe 2 : expériences et engagements politiques
– La « République du Rif » : un objet politique non-identifié
Chef de guerre, Abdelkrim El Khattabi est aussi un chef politique : il met en place une « République du Rif », qu’il tente de faire reconnaître par la SDN, et dont la nature est encore un motif d’interrogation pour les historiens. Cette république confédérée des tribus du Rif, qui prend forme en février 1923, a l’apparence d’un modèle politique délibératif, d’une greffe d’un État moderne, mais dont le contenu reste problématique notamment en raison du maintien des structures tribales et du confrérisme, dont elle est la négation. L’utilisation de nouvelles sources, notamment espagnoles et marocaines, doivent être l’occasion d’une relecture de cette expérience politique singulière, portée par un chef charismatique.
– Fractures politiques métropolitaines (France et Espagne)
La revendication nationale des Rifains a eu d’importants échos dans les milieux révolutionnaires de France et d’Europe. D’abord hésitant sur la nature du combat mené par Abdelkrim, le Kominterm change de position avec l’entrée de la France dans le conflit et affirme son soutien à la lutte anti-impérialiste. Pour les communistes français, la guerre du Rif devient le symbole de la mauvaise guerre et le point de départ d’une virulente contre-offensive antimilitariste, riche d’incidents fortement médiatisés. Si ces épisodes ont fait l’objet de plusieurs études, on connaît moins les répercussions politiques de la guerre du Rif sur le reste du paysage politique et sur les relations politico-militaires, notamment en France.
Axe 3 : enjeux historiographiques et mémoriels (France, Espagne, Maroc)
– Des historiographies nationales concurrentes
Une des originalités de l’approche est de décloisonner et de confronter les historiographies nationales, qui sont parfois concurrentes. Il s’agira de mettre en avant les différences de traitement dans les histoires officielles, et de comprendre notamment la persistance de silences autour de l’événement et ce qu’ils révèlent.
– Un enjeu de mémoire(s)
De la même manière, la guerre du Rif n’occupe pas la même place dans les mémoires collectives suivant les groupes ou les pays concernés. Il faut souligner ici l’apport de nouvelles sources : enquêtes orales, mais aussi productions culturelles ou audiovisuelles, afin de fournir des clés de compréhension de l’événement mais aussi des sociétés méditerranéennes concernées, dans leur rapport au passé, en particulier la part coloniale de leur histoire. L’appel à d’autres disciplines sera également fécond : nous pensons notamment aux anthropologues ou autres spécialistes de la santé, pour envisager la question des effets sanitaires à long terme du conflit sur les populations. Enfin, la mémoire militaire du conflit a peu été étudiée, en particulier la circulation des mémoires combattantes et les interactions des politiques mémorielles (France, Espagne, Maroc).
Comité scientifique : Mimoun Aziza (Université de Meknès) ; Sophie Baby (Université de Bourgogne) ; Jamaâ Baïda (Archives nationales du Maroc) ; Sebastian Balfour (London School of Economics) ; Eric Fournier (Paris 1 Panthéon-Sorbonne) ; Eduardo González Calleja (Université Charles III, Madrid) ; Eloy Martin Corrales (Universitat Pompeu Fabra, Barcelone) ; Stéphane Michonneau (Université de Lille III) ; Claire Miot (Sciences Po, Aix-en-Provence) ; Jeanne Moisand (Paris 1 Panthéon-Sorbonne) ; Richard Pennell (Université de Melbourne) ; Zakaria Rhani (Université Mohammed V, Rabat) ; Daniel Rivet (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), François Royal (Service historique de la Défense).
Partenaires : Aix-Marseille Université, IREMAM (UMR7310, Aix-en-Provence), TELEMMe (UMR7303, Aix-en-Provence), MESOPOLHIS (UMR 7074, Aix-en-Provence), Centre d’histoire du XIXe siècle (EA 3550, Paris Panthéon-Sorbonne et Sorbonne Université), Institut Somum (Aix-en-Provence), Service historique de la Défense (Vincennes), Centre des Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères (La Courneuve), Centre des Archives diplomatiques de Nantes, Archives nationales du Maroc (Rabat), Centre Jacques Berque (UMIFRE, Rabat), Fondation Roi Abdul Aziz Al-Saoud (Casablanca) .
Documents joints